J’ai noté ça, mais je ne sais plus ce que ça veut dire : « Type avec les oreilles de nounours en peluche »
Je fais une pause sur un banc du père Lachaise. Comme j’ai un disque de Lou Reed qui dépasse de mon sac, un monsieur vient me parler. Il s’assied. Il me raconte sa vie : pied noir, départ d’Algérie, Lou Reed. Il me donne son avis sur le rap : « J’ai vu une expo à la Philharmonie, moi je pensais que c’était juste des voyous, et bien non, c’est beaucoup plus complexe, c’est de l’art, monsieur ». Il finit par l’expo "Toutankhamon et son temps" en 1967 : « Ça, ça m’a émerveillé, ça m’a ébloui, et ça a changé ma vie. » Il salue et reprend sa quête de la tombe de Jim Morrison.
Paris Brest. Le train va partir. Un homme en complet veston, très smart, arrive hors d’haleine, s’arrête à la hauteur d’un autre homme, vérifie son billet, et lui dit : « Pardon, mais c’est ma place. » L’autre répond : « Ah, ça m’étonnerait, regardez. » Il lui tend le sien. Mystère, ils ont le même numéro de place et de wagon.
Le premier hausse les épaules, un peu contrarié : « C’est pas grave, je vais me mettre là. » Il s’assied à côté de moi. Il souffle, s’éponge le front, se détend un peu. Le train démarre. La voix crachote dans le haut-parleur : « Vous êtes bien dans le train numéro xxx à destination de Brest, ce train desservira... ». Le type étouffe un juron : « Put... Brest ? Oh merde. »
Il est profondément abattu. Je lui demande où il allait. Au Croisic.
Entendu dans un restaurant : « Ah, parce qu’en plus, y en a à l’intérieur ? »
Après avoir joué « la Clef » à Concarneau, une dame vient me voir : « ah c’était super, vraiment génial. » Elle se penche et me confie : « Enfin j’ai dormi toute une partie, mais quand je me réveillais, ça avait l’air vraiment bien ! »
Je cours autour du stade Foch : il y a deux jeunes filles assises autour d’une table en bois, qui pique-niquent. Régulièrement, elles se lèvent précipitamment et s’enfuient en courant, se retournant, immobiles, regardant la table et les reliefs du pique-nique comme si elles avaient peur. Je ne sais pas si il y a un frelon ou si elles répètent une chorégraphie.
Dans le TGV Paris Brest, annonce du chef de bar : « En raison d’une panne d’électricité à Brest, les sandwiches, salades et yaourts sont à mi-tarif. »
Boîte aux lettres à Paimpol, sur laquelle est simplement écrit : « Vérité »
Drôme. Sur la route, panneau : « labyrinthe, première à droite. »
Vacances : on va voir le Monde des Fées, attraction fléchée un peu partout. On met une heure à zigzaguer dans des routes et des chemins, avant de trouver.
A l’entrée, vieille guérite. Toiles d’araignée, poussière. Un vieux chien dégonflé dort dans un coin. Personne.
Au bout d’un moment, une dame apparaît, un peu fébrile. Elle ressemble à une sorcière.
Elle semble étonnée de nous voir là, nous pose des questions pour savoir d’où on vient, se met à griffonner sur un carton des idées de jeu. « Vous pouvez chercher les dragons par exemple, il y en a 7. »
Elle écrit des questions auxquelles il faut répondre. Elle griffonne un autre jeu, le rature : « Ah non, ça c’est trop compliqué. »
Elle montre au loin, de l’autre côté de la route, un escalier en bois qui monte dans les arbres. « Et sinon, c’est le chemin de Merlin. Quand vous aurez répondu à toutes les questions, vous irez là-bas si vous voulez. »
Les bêtes, qu’une pancarte présente comme une attraction complémentaire, ont l’air épuisées. Un lama assommé par la chaleur, des chats tout secs, un chien qui meurt de soif...
Au milieu du site, une énorme araignée en tôle et carton.
On visite le site : les lutins ont l’air tout moisis, figés dans leurs aquariums ou derrière leurs vitres, couverts de poussière. Il y a des poupées cassées. Aucun automate n’est en état de marche.
Sentiment glauque, que chaque salle traversée renforce : les fées ont l’air d’appeler au secours. A certaines il manque un bras. Les lutins sont de plus en plus effrayants.
Aucun dragon en vue, si ce n’est des yodas en plastique planqués ici et là. Il y en a 7.
On quitte le parc de l’angoisse. Histoire de ne pas partir sur une impression négative, je propose d’aller voir le chemin de Merlin. On s’engage sur l’escalier de bois, qui monte dans les arbres jusqu’à des passerelles. M ne veut pas aller plus loin. Elle a peur que le bois cède sous nos pas. Ma fille et moi, on monte vérifier.
Au moment où je lui dis que tout a l’air solide, un gros serpent passe entre nos jambes.
Sous l’effet de la surprise, la petite glisse et se casse un ongle de pied. On redescend l’escalier de Merlin plus vite qu’on l’a monté.
On quitte le monde des gnomes comme si c’était le site du projet Blair Witch.
Paimpol, dans la nuit. On s’arrête à la barrière automatique, pour laisser passer le train. Mais le train ne vient jamais. On fait demi-tour, contournant par le port. On repasse de l’autre côté : la barrière est toujours fermée. Lumières rouges dans la nuit.
Dans la chanson d’Anne Sylvestre, « Comment je m’appelle », elle répète à chaque refrain : « Je l’ai z’oublié ». Mais j’ai vérifié, c’est fait exprès.
Entendu au resto : « C’est l’enfer sur terre, y a rien là-bas. » Réponse de l’autre : « Ah ben si, y a un resto à tapas. C’est là que j’ai rencontré Antoine. »
Entendu : « Je vais m’en acheter plein, un noir, un rouge et un orange ! »
A la poste, une fille qui tente de taper son code de carte bleue, échoue, s’énerve : « Eh, raté, putain ! »
Entendu : « Vous faites pas d’audio book pour les BD ? »
Une mouche totalement silencieuse. Encore plus énervant.
Panneau sur le bord de la route : « Cherche gravats. »
Des plumes dans le ciel. Pas d’oiseau pour autant.