L’autre jour, j’achète pour la première fois des tielles de Sète, sortes de tourtes au poulpe. Le soir, à table, je prononce le mot et reçois deux minutes après une pub pour les tielles de Sète sur mon téléphone.
L’autre jour, il a suffi que je pense à Supertramp (et je n’écoute ni ne pense jamais à Supertramp) pour écoper d’une pub pour le nouvel album de Roger Hodgson.
Je sais pourquoi j’ai pensé à Supertramp, c’est parce que j’ai lu un article sur Mediavolo. C’est Jacques Henry, le compositeur du groupe, Mediavolo donc, qui m’a un jour convaincu qu’on pouvait aimer Supertramp.
L’article que j’ai lu explique que « Mass Aenesthesia », un titre de Mediavolo sorti en 2006, est devenu un trend sur Tik Tok. Quatre millions de vues en peu de temps, un véritable phénomène.
Dans le train, deux contrôleurs. Je montre mon billet, l’un tente de le flasher en premier, mais l’autre est plus rapide et lui ricane au nez.
Train. La voix du conducteur nous parvient hyper saturée, grésillante, avec un gros bruit de fond et à fort volume. Une fois qu’il a terminé son speech, il oublie de raccrocher et on roule sur fond de bruit blanc, un peu comme si on écoutait un album de Merzbow.
Au bout d’un moment, on entend une petite voix au fond du bruit qui dit : « Eh t’as oublié le truc... » et, toujours saturée, la voix du conducteur : « Ah merde ! » et le bruit s’arrête..
Dans le taxi, la conducteur fait des commentaires socio politiques. « Il n’y a pas assez de flics. Ils devraient sanctionner plus. » « Si déjà les gens arrêtaient de regarder leur téléphone au volant, franchement. »
Il aime la musique : « Moi c’est la soul. La soul et le Funk. » « Vous connaissez machin ? » Et il se retourne pour me montrer la playlist de son téléphone.
Il refait plusieurs fois l’opération. On manque de percuter un scooter arrêté sur la voie.
Dans le train, le type à ma droite et celui à ma gauche ont tous les deux le même bracelet d’ambre.
Gare de Dijon. Les gens regardent sur le plan à quel endroit il faut se mettre pour être en face de la bonne rame quand le train arrivera. Repère K pour moi. Sages mouvements de foule, chacun cherche son repère et s’y met.
Malheureusement, les wagons sont accrochés dans l’autre sens et il faut soudain se refaire tout le quai à rebours, en panique, en se télescopant. Bordel indescriptible.
Sur la route de la gare de Lyon, le gars qui me conduit se veut rassurant : on est la bourre, mais son GPS lui dit qu’on n’est qu’à deux minutes du métro, je peux encore sauter dedans et avoir mon train deux stations plus loin. On s’enfonce dans des rues désertes. En fait, on arrive devant un magasin Métro désaffecté.
Sur la 4 voies, un panneau : "Attention, accident dans 5 km". Pourtant, à cet endroit précis, il y en a bien un, d’accident, de l’autre côté de la voie, avec gyrophares et pompiers. On roule. 5 km plus loin, nouveau panneau : "Attention, accident !" Il n’y a pas d’accident. J’en conclus qu’ils se sont trompés de sens.
A Pontivy, le chausseur s’appelle Cendrillon.
Brocante. Sur une sorte de trophée en plastique, un cosmonaute, et la mention suivante :
« Le Centre National d’Études Spatiales a sélectionné le pâté de jambon MATHURIN ONNO pour les six spationautes du vol franco-soviétique Aragatz de Novembre 1988 »
On rentre dans une autre brocante. Ils vendent des fringues vintage, des timbres, des vieux exemplaires du journal de Mickey. Dans une vitrine, une insigne de la seconde guerre mondiale, un aigle de la Wehrmacht.
Plus loin, au mur, des timbres allemands de la seconde guerre mondiale (c’est précisé), mais le vendeur a déposé dessus un voile pudique en forme de papier mousseline, sans doute pour dissimuler les croix gammées.
Une heure plus tard, on croise une cliente qui fouillait en même temps que nous dans la brocante. Elle nous demande si on n’a rien remarqué de bizarre. Elle ajoute : « Le vendeur m’a montré les timbres avec les croix gammées, et il a ajouté, à moi qui ne lui ai pourtant rien demandé : « On dira ce qu’on voudra, et je suis pas là pour faire de la politique, mais l’armée allemande était quand même vraiment, et de loin, sur le plan militaire, la meilleure. » »
On revient de la présentation du spectacle Mystère et Boule de Gomme et on doit retrouver A, qui revient d’un enterrement, sur le parking du Faou. Elle nous attend avec sa mère et sa tante. On a dans la voiture un énorme cercueil en carton, accessoire pour le spectacle. On s’en rend compte trop tard.
On sonne à la porte, je me réveille. Il est trois heures du matin. Ça doit être une erreur, je me rendors. On resonne.
Je descends l’escalier. J’ouvre la petite fenêtre sur le côté, on ne sait jamais. C’est une petite dame d’un âge indéfinissable, que je ne connais absolument pas.
Je dis : « Vous êtes qui ? ». Elle sursaute, me regarde et me dit : « Je sais pas. »
Puis elle s’en va.
Fanny, qui est infirmière psy, me dit qu’il y a beaucoup de Japonais qui décompensent brutalement en France, et précisément à Paris. Ça n’arrive pas dans de telles proportions dans d’autres villes, comme s’il y avait quelque chose ici qui faisait écho, qui crée peut-être un conflit symbolique profond, et leur faisait perdre les pédales.
Fanny me dit qu’il y a même une clinique spécialisée.
Internet : « Le nombre des problèmes psychiatriques des touristes japonais en France occupe 57 % des cas avérés chez les touristes japonais en Europe (le taux le plus élevé en Europe qui, à elle seule, occupe 30 % des cas psychiatriques avérés chez les touristes japonais dans le monde) »
On appelle ça le « syndrome de Paris » (« Pari shōkōgun »).
Elle ajoute que les Français ont aussi leur destination qui rend fou : c’est l’Inde.
Le vendeur de cigarettes électroniques parle de la bombe qu’ils ont trouvé sur le chantier du tram. « Ça pète, jamais, ces bombes là ». Son père est mort en sautant sur l’une d’elles à Saint Pol.
Je vais courir. Sur les escaliers de la piscine Foch, une dame lit un livre de la collection Harlequin : « Un amour déçu »
Je reviens de ma course. Elle est toujours là, avec son livre, et je la reconnais soudain. C’est la dame qui a sonné à la porte à trois heures du mat.
Festival de BD de Perros-Guirec. A la fin de la journée, on va faire un tour en bateau, avec les autrices, les auteurs et l’équipe. On regarde la mer, un peu agitée, avec une inquiétude variable.
X me dit : « c’est là qu’ils sont morts, les scouts de l’abbé Cottard. »
Il parle de la noyade de quatre scouts et d’un plaisancier, lors d’un camp marin dirigé par un abbé qui sera condamné pour homicide et blessures involontaires.
Le bateau fait un gros boum en se cognant contre la digue. Ce n’est rien. Les marins sont quand même tous regroupés autour de l’impact, pour vérifier.
Le bateau longe lentement la côte, et arrive à la hauteur de la plage de Saint Guirec, à Ploumanac’h. C’est sur cette plage que le saint aurait débarqué. On lui a fait un oratoire.
Dans l’oratoire, pendant longtemps, une statue du saint en bois. Les filles venaient à marée basse planter une aiguille dans son nez pour trouver un mari.
Depuis qu’on l’a remplacé par une statue en granit, la tradition s’est perdue.
Le bateau tourne sur lui-même et s’immobilise face au château de Costaérès, sur l’île du même nom.
En breton, Costaérès veut dire « vieille sécherie ».
Briac m’assure que c’est sur cette île qu’à la fin du XIXème siècle, un certain Henryk Sienkiewicz aurait écrit « Quo Vadis ? »
Le bouquin lui a valu le prix Nobel en 1905. Léo Ferré y a aussi séjourné. Ainsi que le chanteur Carlos.
On sert du champagne et des bretzels pour l’apéro. Quand on en assez, on remonte sur le pont. Le capitaine regarde avec inquiétude par-dessus le bastingage.
Comme le capitaine est toujours dans le même position depuis dix minutes, on demande au second s’il y a un problème. Il y en a un. Sous le bateau, il y a le corps-mort du propriétaire de l’île. Il ne voudrait pas le coincer dans son hélice.
Un corps-mort, c’est une dalle de béton au fond de l’eau, avec un filin ou une chaîne pour s’y amarrer.
Une barge arrive, pilotée par le maire de Ploumanac’h. Il discute avec le capitaine. « Il faudrait quand même trouver une solution, sinon les gens vont finir par geler. »
Il ajoute : « Je veux bien plonger, mais j’ai pas mes bouteilles. »
En bas, on arrive progressivement à la fin des stocks de champagne et de bretzels.
Après réflexion, le capitaine et son second montent sur le barge du maire et ils s’en vont tous les trois. On reste sur le bateau. On regarde pensivement s’éloigner les pilotes, le capitaine.
Quelques minutes plus tard, ils reviennent avec un bateau identique. On nous transvase. Tout le monde est assez joyeux, à cause du champagne. On rentre à toute berzingue.
Manifestement, la tradition perdure même avec le granit : si l’aiguille reste plantée dans la pierre, le mariage est assuré dans l’année.
En rentrant à l’hôtel, je croise un renard. Le lendemain, titre du Ouest-France : « le renard était il autrefois un animal de compagnie ? Cette étude scientifique semble le démontrer. »
Il est question dans l’article d’un renard appelé Dusicyon, de la taille d’un berger allemand.
Petit déjeuner. La dame de l’hôtel aime bien parler. « Vous êtes de Brest ? J’ai habité là-bas. J’avais une copine qui s’appelait Sylvie Esthéticienne. »
« Elle avait des cheveux verts, ou roses. Son mec s’appelait Jean-Charles. »
« Il avait une Matra, une voiture avec des phares qui font des clins d’œil. »
Je lui dis que je suis désolé mais que je dois y aller, elle hausse les épaules : « On s’quitte, on s’quitte, on va pas en faire toute une histoire. »
Briac retrouve un vieux copain de lycée, ils rigolent en se souvenant des deux surgés, Bléjean et Richomme.
Je croise Géraldine, la chanteuse de Mediavolo, sur le parking. Elle me dit qu’ils n’attendaient plus rien et que soudain, le succès vient bouleverser leur vie.
Sur l’île d’Yeu, on rentre vers 1h30. Le lendemain, on apprend qu’il y a eu plein d’aurores boréales, à cette heure-là notamment, et qu’on les a loupées. Édith est très déçue.
Le lendemain, au restaurant, Édith bondit soudain, montrant la baie vitrée. « Là, des aurores boréales ! » Mais déception, c’est juste le reflet du néon.